Vieilli ou littér. [En parlant d'une pers.] Frappé de stupeur, paralysé par un choc émotionnel. Synon. hébété. Stupide d'étonnement, d'admiration, de frayeur, de peur. Autour
de ces quatre chefs de la famille, se tenaient à genoux deux sœurs
mariées, accompagnées de leurs maris. Puis, trois fils stupides de
douleur (BALZAC, Curé vill., 1839, p. 96).
Habille-toi, dit-il. Elle demeurait stupide devant lui.
Habille-toi! répéta-t-il. Elle ne bougeait pas (VAN DER MEERSCH, Empreinte dieu, 1936, p. 185).
MÉD., vx. Qui présente un état d'hébétude, de stupeur profond. Toutes
les fonctions animales sont dérangées, les petits malades sont stupides
et hébétés, ils ont des convulsions, leurs membres engourdis finissent
par devenir paralytiques (GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p. 234).
[En parlant d'une pers.]
Empl. subst. Sans doute, jadis, les stupides abondaient-ils, mais avec plus de discrétion (ARNOUX, Paris, 1939, p. 72). Valéry
faisant la leçon à ces stupides qui ne s'étaient point avisés, avant
lui, que, par exemple, l'apparition dans les foyers de l'éclairage
électrique fut un (...) grand événement historique (L. FEBVRE, Vers une autre hist., [1949] ds Combats, 1953, p. 423).
Faire le stupide. Faire le sot, l'idiot, l'imbécile. Xanrof fait le stupide au piano (RENARD, Journal, 1910, p. 101).
[En parlant d'un groupe, d'une collectivité] Qui est
habituellement considéré comme sot, inintelligent. Enfin,
j'ai cru devoir, par égard pour mon fils, donner satisfaction à ce
monde stupide et méchant auquel je n'aurais point sacrifié, s'il ne se
fût agi que de moi, un seul cheveu de votre tête (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 68). Les
indigènes ont déployé d'immenses efforts pour élever ces digues et
viennent régulièrement les réparer, prouvant ainsi qu'ils ne sont pas
aussi stupides et imprévoyants qu'on se plaît à le dire (LOWIE, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p. 32).
[Dans un cont. fam.] Qui est sot, sans jugeotte, dépourvu de bon sens. Dieu! que tu es stupide, mon pauvre ami!... Et puis non, tiens, j'adore quand tu es radieusement bête comme ça! (H. BATAILLE, Maman Colibri, 1904, I, 12, p. 12).
Faut-il que ce garçon soit stupide...
disait Alfred Caussade.
Il paraît que tous les autres ont eu cette fille pour rien (MAURIAC, Myst. Frontenac, 1933, p. 158).
P. anal. [En parlant d'un animal] Il
arrivait que de grosses bêtes noirâtres, vaguement aperçues dans les
ténèbres, nous barraient le passage: les buffles inoffensifs et
stupides, qu'il fallait écarter à coups de fouet en poussant des cris (LOTI, Inde sans Angl., 1903, p. 16). Le
règne des Dinosauriens a donc été le règne de la puissance physique et
de la force brutale. Mais ces énormes bêtes étaient lourdes et stupides (BOULE, Conf. géol., 1907, p. 125).
Chaque
parole venait jusqu'à ses oreilles, intacte, entière, elle en pénétrait
le sens, et néanmoins elle l'accueillait avec une indifférence stupide, ou pis encore: le sentiment d'une attente déçue.
BERNANOS, Joie, 1929, p. 611.
1. [En
parlant d'un fait, d'un événement] Qui survient mal
à propos, qu'on aurait pu ou voulu éviter. Un contretemps stupide. Elle n'aimait pas du tout ce Malignon, oh! elle le jurait! Mon Dieu! quelle aventure stupide! (ZOLA, Page amour, 1878, p. 1047). À
propos du service il m'arrive une stupide histoire. Le ministre
autorise cette année encore les étudiants à ne faire qu'un an, mais seulement
ceux qui viennent d'avoir dix-huit ans et ceux qui ont été refusés à
l'examen médical d'octobre. Ce qui fait que ça me passe sous le nez (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1906, p. 81).
En partic.
Dont on n'a pas mesuré les conséquences. Faire une farce stupide. L'acte responsable se distingue de l'acte gratuit et mieux encore du pari stupide
qui est pour rien, pour rire (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 79).
Dont les conséquences sont hors de proportion avec les causes. Trouver une mort stupide. Michel
Ortègue (...) mourra lui-même, pendant ce temps-là, de ce cancer
absurde, causé par quoi? Par le plus stupide accident, un pneu
d'automobile crevé, comme nous allions en consultation (BOURGET, Sens mort, 1915, p. 70).
Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. La Terreur commençait en effet par nous rappeler
comme chose qui va de soi
que
les clichés sont inutiles; car chacun les connaît déjà, et les
pratique. À quoi s'ajoutait aussitôt que les hommes ne s'entendent si
bien, à l'ordinaire, que sur le banal et le stupide (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p. 147).
) [En parlant de la manière dont se comporte une pers.] Synon. niaisement. Elle
jeta par la fenêtre le manteau que j'avais apporté pour sa
fille aînée, puis se mit, de nouveau, à rire
stupidement (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 264). Elle écoutait ce que disait sa mère et me regardait stupidement (CARCO, Voix basse, 1938, p. 111).
) [En parlant du caractère d'une action] Les vitraux, qui sont beaux, quoiqu'on les ait stupidement blanchis dans leur partie inférieure (HUGO, Rhin, 1842, p. 359).
) [En parlant du caractère d'une chose, d'un événement, d'un phénomène] Au
sens moral, à peu près éteint, succède une sorte de mouvement aveugle
qui pousse stupidement des êtres dégradés vers tout ce qui promet
quelque jouissance à leurs grossiers appétits (LAMENNAIS, Religion, 1825, p. 83). Il existe certains coins comme ça dans les villes, si stupidement laids qu'on y est presque toujours seul (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 99). b) [En
parlant du caractère d'un fait, d'un acte dénué de
justification] D'une manière absurde, insensée. Synon. absurdement. Mais
ton pays ne t'appelle pas, il t'indique en ne t'appelant pas qu'il n'a
pas besoin de toi, et tu iras te faire tuer stupidement! (MONTHERL., Exil, 1929, I, 4, p. 43). Cet
homme profondément religieux et d'une extrême sensibilité qui fut
stupidement (par erreur) assassiné, est devenu le guide d'une époque (SAMUEL, Art mus. contemp., 1962, p. 228).
[
]. Att. ds Ac. dep. 1694.
1re attest. 1588 (MONTAIGNE, Essais, III, 9, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 971); de stupide, suff. -ment2*.
Fréq. abs. littér.: 194.
BALDINGER (K.). Stupide bei Rabelais... In: Mél. Wandruszka (M.). Tübingen, 1981.
HANSÉN (I.). Les Adv. prédicatifs fr. en -ment... Göteborg, 1982, pp. 208-209 (s.v. stupidement).
VAGANAY (H.). Pour l'hist. du fr. mod. Rom. Forsch. 1913, t. 32, p. 167.
WIND 1928, p. 41.